Christophe Moreau est physicien au Laboratoire de Mesure du Carbone 14, spécialisé dans la datation d’échantillons à faible teneur en carbone. Il est le porteur du projet PatriC14, lauréat d’un appel à projet d’équipement du DIM, et grâce auquel il va repousser les limites de la datation d’échantillons rares…

Nous lui avons rendu visite au CEA de Saclay, dans les locaux du laboratoire LMC14, pour qu’il nous présente l’équipement phare au cœur du projet PatriC14.

Qu’est-ce que vous faites dans la vie ? Quelle est votre activité principale au LMC14 ?

Je suis physicien nucléaire, spécialisé en datation au radiocarbone. Je travaille sur la plateforme nationale LMC14, le Laboratoire de Mesure du Carbone 14. Je suis un des anciens directeurs du laboratoire et je dirige aujourd’hui l’une des trois équipes du LMC14, celle qui travaille sur la spectrométrie de masse par accélérateur, auprès de la machine ARTEMIS. J’ai aussi d’autres activités : je suis responsable de l’analyse de données au laboratoire et je m’occupe aussi des développements techniques autour d’ARTEMIS. Mais le cœur de mon travail est de trouver des moyens de dater des échantillons avec une très grande précision, en ne prélevant qu’une infime quantité de matière de l’objet à analyser, pour ne pas le détériorer.

 

Comment fait-on pour dater un échantillon ?

Nous utilisons un accélérateur de particules couplé à un spectromètre de masse. Le peu de matière à analyser est pulvérisée et transformée en faisceau d’ions. Ceux-ci sont ensuite accélérés et envoyés dans le spectromètre de masse. Le spectromètre sert à compter combien il reste de carbone radioactif dans l’échantillon, c’est-à-dire quelle quantité de ce carbone ne s’est pas encore désintégrée. Donc moins il en reste, plus l’échantillon est vieux. On sait dater des échantillons sur une période allant du présent à 45 000 ans en arrière.

 

Et PatriC14 dans tout ça ? Quelle est l’idée au centre du projet et comment est-elle née ?
L’idée est née des travaux de recherche que nous menons au laboratoire et dont la finalité est de réduire autant que possible la quantité de carbone nécessaire à une datation. On veut rendre datables des objets qui ne le sont pas aujourd’hui à cause de leur très faible teneur en carbone. Le projet PatriC14 porte sur l’amélioration de notre outil d’analyse, ARTEMIS. Plus précisément, le financement du DIM va permettre de modifier l’une des deux sources d’ions existantes, pour y mesurer des échantillons sous forme gazeuse. Cela signifie moins de préparation chimique, car il n’y a pas d’étape de réduction et donc moins de contamination potentielle de l’échantillon, pouvant fausser la datation. L’autre avantage à pouvoir analyser des échantillons à très faible teneur en carbone, c’est que l’on doit prélever moins de matière. Et c’est un point critique quand on veut travailler avec des échantillons précieux.

 

Pour terminer, quelles sont vos attentes vis-à-vis du réseau ?
Faire partie d’un DIM pour une mise en contact au niveau régional et travailler en réseau, ce sont des atouts essentiels. Au départ, on ne savait pas ce que ce réseau devait être. Mais dès la journée de lancement, on a vu toutes les potentialités d’applications, et on a senti clairement l’envie de tout le monde de s’impliquer. Cela n’existe pas au CNRS ou CEA sous la même forme « inter-organisme ». Aujourd’hui, il y a un volet qui m’intéresse vivement, c’est l’accès et la valorisation des données. Échanger les données va créer des liens entre des personnes qui ne se connaissent pas. Bien sûr, il faudra aborder la question des droits. L’idéal serait de créer une plateforme de partage de données. Je souhaiterais volontiers intégrer le groupe de travail sur ce sujet si un tel projet se montait. Il y a E-RIHS aussi… De façon générale, le DIM est à plusieurs égards une première pierre pour une structure plus grande.