Stéphanie Duchêne, vous travaillez au Laboratoire de Recherche des Monuments Historiques (LRMH) en tant qu’assistante ingénieure, spécialisée dans l’étude des matériaux des peintures murales et des phénomènes d’altération. Pourriez-vous nous en dire plus sur votre parcours et sur votre activité principale aujourd’hui ?

J’ai suivi un parcours en chimie appliquée à la conservation et la restauration à l’université de Venise. Puis j’ai travaillé en tant que chargée d’études au Consiglio Nazionale delle Ricerche sur la caractérisation des peintures murales et de chevalet, et peinture sur métal. Enfin, je suis entrée en 2007 au LRMH au pôle Peinture murale et polychromie. Dans ce pôle, nous travaillons sur deux types d’activités. D’une part, nous menons des études de caractérisation et de diagnostic sur des peintures murales et polychromies à l’occasion de chantiers de restauration, ou d’études préalables à ces chantiers. Et d’autre part, nous nous attaquons à des problèmes ouverts particuliers en matière de conservation-restauration. Par exemple, dans une étude en cours, nous cherchons les moyens de consolider des peintures murales sur des structures maçonnées gorgées d’eau et de sels solubles. Pour l’instant, les conservateurs et les restaurateurs sont démunis face à ce genre de problèmes et ne disposent pas de solutions satisfaisantes à long terme. L’enseignement et la valorisation de nos activités constituent un troisième axe fort au Laboratoire. Nous intervenons dans différentes institutions comme par exemple l’Ecole de Chaillot pour la formation des architectes du patrimoine ou l’Institut National du Patrimoine (INP) auprès des élèves conservateurs et restaurateurs.

 

Vous portez le projet d’équipement RamPArC [ʁɑ̃.paʁ], cofinancé par le DIM, et qui consiste en l’acquisition d’un instrument portable de spectroscopie Raman pour l’étude du Patrimoine Artistique et Culturel. Pouvez-vous décrire l’idée à l’origine du projet et son contexte ?

La spécialité du LRMH, c’est de se déplacer sur les sites classés monuments historiques. Nous avons un pool d’instrumentation de terrain que nous augmentons depuis une dizaine d’années pour accroître nos capacités de caractérisation in situ. Mais nous ne sommes que la moitié du temps sur le terrain, et l’autre moitié au Laboratoire. Donc ces instrumentations ont un taux d’occupation partiel. L’idée de ce projet est de mutualiser les moyens, dont les instruments in situ font partie, afin d’en diversifier les usages. C’est aussi un moyen de formaliser nos collaborations avec nos partenaires, notamment la Bibliothèque nationale de France et l’Institut national du patrimoine. Nous mutualisons aussi nos connaissances. Il est intéressant de croiser les expertises, qui portent sur les mêmes matériaux mais qui diffèrent par leur mise en œuvre. C’est également l’occasion de réfléchir à la constitution d’une base de données des matériaux de référence car, pour l’instant, on crée une base de données ad hoc pour chaque nouvel équipement de spectroscopie que l’on acquiert. Les contributions au projet peuvent être très diverses, il peut entre autres s’agir d’encadrer des stagiaires qui nous aideront à constituer cette base.

 

Qu’avez-vous commencé à mettre en place avec vos partenaires autour de RamPArC ?

Comme nous n’avons pas encore reçu l’instrumentation, nous allons commencer en septembre à travailler à la constitution de la base de données de matériaux de référence. D’ailleurs, à l’occasion du séjour de Laurent Romary dans le cadre du projet DOPAMINE[1], nous avons passé une étape importante dans la réflexion sur la gestion des données, leur pérennisation et leur archivage. Nous avions déjà commencé à y réfléchir, mais aujourd’hui nous avons besoin d’experts dans ce domaine pour nous aider à commencer de la façon la plus structurée et réfléchie en amont, ce qui devrait assurer la pérennité et la robustesse de notre système propre de gestion de données et de ressources. Et en participant aux ateliers DOPAMINE, nous avons pu échanger sur nos pratiques et sur les problématiques de traçage et de réutilisation de données. C’est très stimulant de se poser les mêmes questions que d’autres équipes de recherche et de rencontrer des experts.

 

Vous annoncez un très riche programme de valorisation pour le projet RamPArc. Vous envisagez notamment d’utiliser cet appareillage dans le cadre de la formation initiale des restaurateurs de l’Institut national du patrimoine (INP) et d’intervenir auprès du grand public. Ces objectifs sont-ils toujours d’actualité ? Où en êtes-vous ?

Oui, c’est toujours d’actualité. Ma collègue Sophie Cersoy, maître de conférences au Centre de Recherche sur la Conservation, prévoit de faire des démonstrations d’instruments à la Fête de la Science au Muséum national d’histoire naturelle. Nous ferons des démonstrations et présenterons les activités du Laboratoire lors des Journées du patrimoine. Avec Maroussia Duranton de l’INP, nous travaillons pour que l’équipement soit utilisé par les étudiants restaurateurs en 5e année, dans le cadre de leurs projets de fin d’études. L’équipement pourra également servir à la préparation d’une exposition à la Bibliothèque nationale sur le site Richelieu.

 

Quelles sont les actions qui vous intéressent le plus dans le DIM ? Quelles sont vos attentes vis-à-vis du réseau ?

Ce que le réseau permet de faire, c’est augmenter notre niveau d’expertise. Rencontrer des équipes de recherche avec qui on pourrait envisager de collaborer, et des experts qui seraient intéressés par nos applications pour améliorer les leurs. À partir des échanges et des collaborations qui se créent, on valorise très concrètement ce que l’on fait. On a tout à gagner à travailler et réfléchir ensemble.

 

[1] Le projet DOPAMINE – Données Patrimoniales : Méthodes, Infrastructures, Exploitations – est un projet « chercheur invité », qui a été soutenu par le DIM au début 2019 (IPANEMA, DYPAC, EPHE). Laurent Romary (Inria, ancien directeur de l’ERIC DARIAH) a animé, au cours de différents ateliers, une réflexion transversale portant sur les politiques en matière de données, de diffusion des publications, etc. s’inscrivant dans un cadre de Science ouverte.