Valentina Valbi, pourriez-vous nous en dire plus sur votre parcours et sur votre activité principale aujourd’hui ?

Mon parcours a commencé par une licence à l’université de Bologne, sur le campus de Ravenne, en Sciences et techniques pour les matériaux du patrimoine. Le programme couvrait un spectre assez large, de la chimie à la biologie, en passant par la physique des matériaux et même l’histoire de l’art. C’est pendant ces études que j’ai commencé à travailler sur les matériaux du patrimoine comme des pigments et des dorures. Ensuite, j’ai suivi un master de chimie à Bologne avec spécialisation en chimie analytique. Grâce au programme Erasmus, je suis venue étudier à l’Ecole Nationale Supérieure de Chimie de Paris (ENSCP). Mon stage de master 2, à l’ENSCP et au Centre de recherche et de restauration des musées de France, portait sur l’altération en milieu atmosphérique des émaux de Limoges. J’ai pu approfondir mes connaissances dans le domaine du verre du patrimoine et les problématiques d’altération qui s’y rapportent. Mes superviseurs m’ont ensuite fait savoir qu’une thèse était proposée à l’Université Paris-Est Marne-la-Vallée, et me voici doctorante à l’UPEM. Je travaille actuellement en Allemagne à l’université de Postdam pendant trois mois. Ce n’était pas prévu au départ, mais il m’a semblé intéressant de faire l’expérience de la mobilité.

 

Vous êtes impliquée dans le projet Brume. Pouvez-vous décrire brièvement le projet et son contexte ?

Brume est l’acronyme de Brunissement des vitraux médiévaux. A la surface de certains vitraux médiévaux, on peut voir apparaître des taches brunes, riches en manganèse. Ces tâches sont difficiles à caractériser chimiquement parce qu’elles ne sont pas très cristallisées. De plus, il s’agit d’un matériau très sensible : il peut rapidement s’altérer par photoréduction, ne serait-ce que durant le temps de son étude. Ma thèse porte sur la compréhension et la modélisation de ces phénomènes de brunissement, que je m’attache à reproduire en laboratoire. Je dois d’abord comprendre comment et quand le manganèse migre dans le verre puis percer le mystère de la formation de la phase brune. Est-ce une oxydation en surface ou une précipitation ? Pourquoi le manganèse se concentre-t-il à un endroit précis ? Ce phénomène est-il d’origine biotique ?

 

Durant votre thèse, vous manipulez de nombreuses techniques, dont de la culture de bactéries !

Oui en effet, et je n’ai pourtant pas de formation en microbiologie, j’apprends sur le terrain. Au LGE, il y a déjà des études biotiques et abiotiques en cours. C’est intéressant parce qu’on trouve beaucoup de travaux dans la littérature qui font le lien entre ce phénomène lié à la présence de manganèse et l’altération microbiologique. Tout cela reste à découvrir.

 

Vous avez participé à la Fête de la science 2019 en animant le stand du DIM Matériaux anciens et patrimoniaux sur le Village des sciences de Sorbonne Université. A quoi se mesure votre intérêt pour la diffusion de la culture scientifique ?

Quand je dis autour de moi que je fais une thèse en chimie, on me répond « Oh ce doit être très dur ! » mais quand j’explique un peu plus mon travail, on le situe déjà beaucoup mieux. L’avantage d’un sujet comme le mien c’est qu’il est concret et visuel. Tout le monde se figure ce que sont les vitraux, et des taches brunes en surface…  La diffusion de la culture scientifique, la transmission de nos recherches, est aussi un enjeu particulier dans le domaine des sciences appliquées au patrimoine et aux matériaux anciens, car ce n’est pas un champ très connu du « grand public ». Je suis très sensible à cette question, je m’intéresse aux différentes façons de communiquer sur mes recherches en particulier. J’ai suivi une formation avec les petits débrouillards et j’ai appris comment animer de manière amusante un jeu de questions-réponses.

 

Une anecdote insolite sur votre projet à nous raconter ?

Le plus mémorable reste l’expérience sur site. Quand il faut prélever sur des vitraux des échantillons microbiologiques, cela doit se faire dans un environnement très contrôlé. Mais quand on est perché sur des échafaudages, avec un casque et un gros manteau en plein mois de novembre… c’est une expérience qui marque ! C’est aussi une chance unique d’examiner des vitraux médiévaux à 10 cm de distance à peine.

 

Quelles sont les actions qui vous intéressent le plus dans le DIM ? Quelles sont vos attentes vis-à-vis du réseau ?

Avant tout, ce sont les aspects relatifs à la formation, comme ils ont été abordés notamment lors de l’atelier DOPAMINE[1]. Le DIM ouvre aussi des voies intéressantes à la valorisation et la diffusion des recherches. Par exemple, quand j’ai entendu parler de l’appel à projet Film scientifique pendant la journée dédiée aux jeunes scientifiques, cela a attiré mon attention. Nous avons répondu à l’appel en proposant le projet de film animé VisA Brume[2], qui a été soutenu. Depuis, notre équipe travaille avec Big Bang Science Communication sur ce projet. C’est très appréciable d’avoir cette opportunité grâce au DIM.

 

[1] Le projet DOPAMINE – Données Patrimoniales : Méthodes, Infrastructures, Exploitations – est un projet « chercheur invité d’intérêt collectif », qui a été soutenu par le DIM au début 2019 (IPANEMA, DYPAC, EPHE). Laurent Romary (Inria, ancien directeur de l’ERIC DARIAH) a animé, au cours de différents ateliers, une réflexion transversale portant sur les politiques en matière de données, de diffusion des publications, etc. s’inscrivant dans un cadre de Science ouverte.
[2] Le projet VisA Brume – Visualisation Animée du Brunissement des Vitraux Médiévaux – est un projet de film scientifique, qui a été soutenu par le DIM fin 2018 (CRC-LRMH, LISA, LGE, Cité du Vitrail de Troyes, Big Bang Science Communication).  Le film réalisé, accessible au « grand public », explique l’objet des recherches menées dans le cadre du projet Brume. Il aborde la thématique d’interaction entre les matériaux du patrimoine et l’environnement, en montrant la démarche scientifique suivie et l’apport des recherches sur les matériaux du patrimoine aux problématiques de conservation patrimoniale.