ISTeP

Institut des Sciences de la Terre de Paris

1. Enregistrements biologiques, climatiques et environnementaux anciens

Différents marqueurs des climats passés sont ici investigués en s’appuyant notamment sur une analyse des matériaux via les développements récents de la géochimie (analyses ponctuelles, analyses in-situ, analyses isotopiques), de la dendrochronologie et de la palynologie.

Dans les zones continentales, l’évolution du climat peut être retrouvée à partir de dépôts carbonatés d’eau douce tels que le tuf laminé poussant dans les grottes ou les rivières. Pour la période historique, des dépôts analogues peuvent se développer à l’intérieur de structures anthropiques utilisées pour l’acheminement de l’eau, comme les aqueducs romains construits autour de la Méditerranée. Ces dépôts ont été étudiés récemment à des fins paléo-environnementales car ils couplent une bonne sensibilité aux forçages externes et une chronologie fiable grâce au contexte archéologique. Ce contexte permet de discuter des signaux préservés dans ces dépôts (par exemple les dépôts de carbonate de calcium le long du canal de l’aqueduc de Nîmes) en termes d’impacts anthropologiques et d’interactions historiques entre l’environnement et les sociétés. Le couplage entre des observations macro et microscopiques, des analyses isotopiques (isotopes stables de l’oxygène et du carbone), et des variations d’éléments traces est un outil précieux. Il permettra de discuter les proxies et la composante climatique des motifs texturaux et chimiques observés sur ces dépôts aux échelles inter-annuelle et sub-annuelle, et d’interpréter les signaux enregistrés par ces concrétions en termes de variations régionales et de phénomènes anthropiques.

Les encroûtements noirs sur certains bâtiments et statues dans le bassin parisien permettent de retracer l’évolution de la pollution anthropique au cours des derniers siècles. La composition multi-isotopique des sulfates constitutifs de ces encroûtements permet de discuter des voies d’oxydation du soufre dans l’atmosphère locale. Ainsi il est possible de discuter de l’évolution du pouvoir oxydant de l’atmosphère urbaine au cours du temps (e.g., les concentrations relatives en OH, H2O2 et O3). Ces travaux permettent également de mieux comprendre comment ces encroûtements noirs se forment et donc les processus physico-chimiques qui sont à l’origine de la détérioration du patrimoine architectural.

2. Objets : production, circulation, usages

Les projets portent sur la production, la circulation et les usages des pierres de construction ou des objets naturels comme les silex pour discuter de l’origine des matériaux et de leur circulation ou leur usage dans les communautés.

– L’utilisation de la pierre dans les sanctuaires d’Apollon (Délos et Delphes) sont étudiées avec l’Ecole Française d’Athènes.

  • A Délos : une synthèse a été réalisée sur l’utilisation de la pierre locale (granite, gneiss ainsi qu’un peu de marbre et de poros) et les importations (gneiss, marbre, poros, beaucoup de volcano-clastique). Les importations sont de Rhénée pour les gneiss et de Rhénée et de Mykonos pour les poros mais les marbres et les roches volcano-clastiques viennent de plus loin. Ce projet initié par l’EFA s’est prolongé via un projet ANR avec le CNRS, le labo MOM de Lyon et le MNHN. Une thèse est centrée sur la caractérisation des marbres à partir d’analyse non destructives rendues nécessaires par les contraintes sur les sites archéologiques.
  • A Delphes : le soubassement est en calcaire mésozoïque qui est employé dans la construction mais les brèches de pentes le sont aussi, les roches plus légères, les poros qui là sont des dunes oolithiques et des travertins viennent essentiellement des dépôts synrift du Golfe de Corinthe. Un travail sur le trading de la pierre à cette échelle (Est du Golfe) est en cours (thèse). Vu les caractéristiques du site une réflexion sur l’utilisation des reliefs et la gestion du risque (glissements de terrain, coulées de boues, tremblements de terre…) est aussi en cours.

– Les sédiments sont aussi source d’information. La caractérisation des céramiques de l’antiquité de la région du golfe arabo-persique est étudiée en travaillant sur le matériau de base, l’argile, utilisé pour sa fabrication. Une étude précise (minéralogique, chimique et physique) de ce matériau, et donc de ce sédiment, permettra d’obtenir plus d’indications concernant les procédés de fabrication des céramiques qui peuvent être très locaux ou résulter d’échanges culturels entre différentes régions géographiques. Il sera également possible d’accéder à la provenance de ces matériaux et donc à l’existence d’éventuels échanges géographiques. Les céramiques étant caractéristiques des populations et des régions, in fine, nous pourrions préciser les routes commerciales de ces productions en argile.

– Les silex peuvent être considérés comme une ressource. Or, de nombreux témoignages suggèrent qu’au Néolithique, les activités domestiques, artisanales ou symboliques, comme l’exploitation des ressources, étaient fortement organisées d’un point de vue spatial. Notre hypothèse est que l’organisation économique des sociétés s’est structurée en fonction de l’exploitation et de la répartition des ressources en silex. L’étude systémique d’un micro-territoire lié à l’exploitation des ressources en silex permet de reconstituer l’organisation de la société concernée et de vérifier si elle s’est structurée en fonction de l’exploitation et de la répartition de ces ressources. Pour cela, le complexe minier de silex de la région des Marais de Saint-Gond (Marne, France) a été choisi (ARTEHIS, Univ. Bourgogne ; ISTeP, ALIPP6, SU ; INRAP, GEGENAA, MSH Dijon). Il s’agit du premier projet en Europe à proposer de reconstituer l’organisation spatiale, technique et économique des sociétés néolithiques habitant un complexe minier, c’est-à-dire un espace comprenant des mines de silex, des ateliers de taille de silex, des polissoirs à terre, des sépultures et des sites d’habitation.

3. Matériaux artistiques : la fabrique de l’art

Le chemin pour l’authentification de toiles de maitres, disparues ou passées à l’oubli, est long et nécessite un vrai travail d’investigation digne des détectives de la police scientifique. Un des volets de cette investigation est la détermination de la nature des pigments utilisés dans les œuvres à authentifier. Après des prélèvements ciblés de certaines couleurs sur les tableaux, ceux-ci sont analysés au moyen d’un Microscope Electronique à Balayage muni d’un spectromètre d’analyse de RX pour déterminer leurs compositions chimiques. Cette analyse permet de caractériser les pigments utilisés dans l’œuvre et permet, à défaut de l’authentifier, d’établir la compatibilité de ces pigments avec ceux utilisés habituellement par l’auteur supposé. Les pigments des palettes de certains peintres ont été étudiés et leurs compositions chimiques sont maintenant connues, mais ce n’est pas le cas pour la plupart des grands maitres. Dans ce cadre, une collaboration avec Laurette Thomas, de la société ARTANALYSIS, a été entreprise afin de caractériser la composition chimique des palettes de certains peintres auxquelles elle peut avoir accès. Ce travail est en collaboration avec le Louvre.

Concernant les études sur les matières colorantes préhistoriques, et afin d’impulser une nouvelle dynamique, le projet Color-Sources vise à développer et mutualiser les connaissances et les méthodologies nécessaires à la constitution de collections géologiques de référence et à leur comparaison avec des corpus archéologiques (COLOR-SOURCES (HNHP, MNHN ; EDYTEM, USMB, ISTeP, ALIPP6, SU; PACEA-MNP; TRACES, INRAP, BBEES, CEPAM, Musée de l’Homme). Cet objectif sera réalisé en développant une dynamique de « science ouverte » et de production de données « FAIR » (Facile à trouver, Accessible, Interopérable, Réutilisable). Les matières colorantes préhistoriques, souvent regroupées sous les termes génériques d’« ocres » ou de « pigments », ont été principalement étudiées pour leur dimension esthétique en tant que médiums privilégiés pour la production d’art rupestre et mobilier. Cette fonction particulière a focalisé l’attention jusque très récemment alors que les matières colorantes constituent de riches corpus de blocs bruts et transformés par des actions anthropiques qui se retrouvent en association avec des restes d’activités quotidiennes, en présence ou non d’indices de production artistique. La multiplication des découvertes de matières colorantes a mis en évidence leur rôle central au sein des systèmes techniques et de subsistance à la fin du Paléolithique moyen en Europe (il y a 70000 ans), au cours du Middle Stone Age (MSA) en Afrique (il y a plus de 200000 ans) et ultérieurement à travers le monde.

Les avancées méthodologiques et techniques de ces dernières années, notamment dans le domaine de la micro-analyse et de l’imagerie élémentaire, ont amélioré notre capacité à identifier l’origine géologique des matières colorantes cohésives. Cependant, il reste difficile de comparer la composition de blocs avec celle des résidus de matières réduites en poudre, appliquées sur des supports (art mobilier, industrie lithique ou osseuse, parures, etc.), et à plus forte raison sur des parois ornées. Dans ce cas, les caractéristiques pétrographiques de la matière d’origine sont perdues et l’analyse de provenance ne peut s’appuyer que sur les caractéristiques minéralogiques et géochimiques, ce qui rend plus difficile l’identification de la provenance. Les référentiels géologiques sont peu nombreux, compte tenu de la jeunesse de cet axe de recherche, et ils requièrent un investissement important pour être significatifs et partagés. Plus particulièrement, la plateforme ALIPP6 permet d’obtenir les compositions géochimiques complètes tout au long de la chaîne opératoire des matières colorantes : du site géologique d’extraction jusqu’à la peinture rupestre en passant par la circulation et la préparation.

Contact :

Erwan Martin
Maître de conférences HdR
e-mail

Référent science ouverte :

Anne-Claire Laurent-Morillon
e-mail

Établissements / ministères :

Projets soutenus :

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